Quand la folkeuse Flo Morissey rencontre le producteur Matthew E. White, cela donne l’un des meilleurs albums de reprise de ces dernières années.
Encore un cover album ? Mais celui-ci est différent. Loin, très loin des reprises fainéantes de gloires passées par des stars en manque d’argent/de reconnaissance/ d’exposition médiatique/de talent (rayer la mention inutile), la jeune folkeuse Flo Morissey associe sa voix éthérée au timbre grave de Matthew E. White dans un duo rendant hommage à une dizaine d’artistes. Tout aussi variés que les grands classiques Velvet Underground (« Sunday morning), Leonard Cohen (« Suzanne) ou George Harrisson (« Govindam »). Des moins connus comme Little Wings (« Look at what the light did now », reprise groovy qui se détache clairement du lot) ou Roy Ayers (« Everybody loves the sunshine »)
Voire les anciens en partant du côté de Nino Ferrer (« Looking for you »). On trouve aussi du très contemporain avec une reprise de « Thinking ’bout you » de Frank Ocean ou « The colour of anything » de James Blake. Ou, enfin, deux curiosités, une chanson de Charlotte Gainsbourg (« Heaven can wait ») et un plaisir coupable, « Grease » des Bee Gees !
Mais outre cette disparité dans le choix des morceaux (le duo aurait fait son choix sur une playlist de 900 titres), c’est leur interprétation qui fait tout le sel de cette collaboration. Une fois que l’on dépasse le charme évident produit par la chaude fusion de ces deux voix si différentes, on se laisse happer par les réinterprétations instrumentales et vocales des morceaux. Les basses et les guitares précises, ainsi que le psyché ambiant (surtout dans « Govindam » et ses sonorités hallucinogènes) qui traversent tout l’album, très groovy, offrent de véritables sucreries musicales. Que penser du très classieux « Thinking ’bout you » de Frank Ocean qui, de monologue mélancolique, se transforme en dialogue à deux voix, bien plus solaire ? Ou du très décalé « Grease » qui opte pour un ton beaucoup plus sensuel, porté par la voix légèrement traînante de Flo Morissey ?
« Gentlewoman, Rubyman » se présente comme un feel-good album à la production léchée, un morceau de soleil sous forme sonique qui nous ramène directement au studio de Richmond de Matthew E. White, capitale du vieux sud américain. On regrettera simplement que le duo n’ait pas osé aller jusqu’au bout de son idée en respectant trop scrupuleusement le matériau de base de certains de ses titres, « Suzanne » de Léonard Cohen et « Sunday morning » de Velvet Underground en tête. Mais on ne pourra pas leur reprocher de s’être sentis écrasés devant cette tâche, qu’ils auront accompli avec un brio certain.
« Gentlewoman, Rubyman » est sorti le 17 janvier 2017.